« Comprendre et accompagner les adolescents »
Intervention de Frédérique LE GOFF formée à l’école d’Isabelle Filliozat
le 26/07/2017
Lors de la mobilité du projet de recherche européen Erasmus + en France, en juillet, Frédérique Le Goff, Psychopraticienne et Coach Parental de l’équipe d’Isabelle Filiozat est intervenue, durant une demi journée, pour nous présenter « Comprendre et accompagner les adolescents et leur famille ».
Isabelle Filliozat : psychothérapeute, conférencière et auteure de 18 livres est devenue en quelques années une référence en matière d’aide à la parentalité et plus particulièrement en Parentalité Positive. La Parentalité Positive repose sur le principe que l’enfant ne désobéit pas par plaisir, afin d’ennuyer ses parents avec lesquels il a des comptes à régler, mais tout simplement parce qu’il n’en a pas le choix, son cerveau étant immature. Elle se base sur les apports des neurosciences et propose des outils aux parents désemparés.
Résumé :
Madame LE GOFF nous explique que les comportements des adolescents ne sont pas dirigés contre leurs parents. mais que ces attitudes trouvent leur origine et s’expliquent par les nombreuses transformations vécues durant cette période. Les adolescents eux-même peuvent être déstabilisés par ce qui leur arrive. Comprendre ces transformations permet d’éclaircir ce qui se passe et d’aider ainsi les parents, éducateurs et les adolescents eux-même à mieux traverser cette période dans leur relation intrapersonnelle et interpersonnelle.
L’intervention s’est déroulée en 3 parties :
1- L’Adolescence, une période de transformation
Les transformations physiques
Si la majorité de ces transformations est connue, nous n’avons pas toujours conscience de leur importance et de leur incidence sur les adolescents.
L’apparition de la pilosité, la voix qui mue, les changements sexuels (règles..), la transpiration, l’acné, les modifications de la vue, de l’ouïe, la croissance qui peut aller jusqu’à 25 cm chez les filles et 28 cm chez les garçons….sont autant de modifications morphologiques qui occasionnent de nombreuses douleurs, gênes, hontes, maladies …pas toujours comprises par les adultes, et qui expliquent souvent nombre de comportements des adolescents : fatigue, irritabilité, « lenteur », attitudes avachies, inhibitions…
Les transformations physiologiques
De nombreuses hormones déclenchent ces transformations. Pour n’en citer qu’une, notons que la Testostérone augmente de 1000 % chez les garçons à cette période, comme si ceux-ci apprenaient à conduire avec une voiture de formule 1 ! Elle agit à bien des niveaux : elle augmente le stress de l’adolescent, exacerbe ses émotions, augmente l’attraction sexuelle, inhibe le langage, l’empathie … et explique ici encore les comportements parfois très réactifs et explosifs.
Les transformations cérébrales
Le cortex préfrontal, cette partie du cerveau qui gère la mémoire, l’anticipation, l’empathie, le raisonnement, le libre arbitre, la prise de recul, la prise de décisions … peut, chez nous adultes nous aider à calmer notre cerveau reptilien, qui est, en cas de stress, en mode attaque ou la fuite. Or chez les adolescents ce préfrontal est en construction. Il sera d’ailleurs complètement terminé à … 28 ans ! Pas étonnant que nos adolescents aient quelquefois des réactions vives … claquage de porte et gros mots s’expliquent là encore.
Par ailleurs c’est une période ou le cerveau est en reconstruction, il s’agit de l’élagage synaptique. Ce qui se passe dans leur cerveau est un peu comme si 70% du réseau routier était en travaux !…tout ceci nécessite beaucoup d’énergie et occasionne beaucoup de fatigue. Non, l’adolescent avachi sur le canapé ne fait pas rien ! Au contraire son cerveau travaille.
Les transformations psychiques
L’adolescence est le temps de l’ambivalence :
D’un côté un besoin d’attachement, ce lien de sûreté entre la mère/ le père et l’enfant (Cf, la théorie de l’attachement de John Bowlby) qui lui permet de développer une sécurité intérieure.
D’un autre un besoin d’indépendance, d’autonomie qui l’incite à se détacher de ses parents.
L’équilibre n’est pas simple ! Allers-retours qui désarçonnent les parents : Un garçon de 14 ans n’ose pas demander un câlin, il tend les bras pour un câlin … maman s’approche, il la rejette.
La transformation sociale.
L’appartenance à un groupe est primordiale pour un adolescent. A tel point que la zone du cerveau correspondant au rejet social est la même que celle de la douleur forte !!
Malheureusement, la règle du groupe est souvent plus importante que sa propre règle intérieure, ce qui explique que les adolescents développent, en groupe, des comportements qu’ils n’envisageraient jamais seuls.
2- Les grandes problématiques liées à la période de l’adolescence et leurs conséquences
C’est une période propice aux dépressions, burn out, problèmes d’alimentation, harcèlement, addictions (écrans…), drogues, mutilations, sexualité, échec scolaire, violence, accidents, comportements dangereux … Ainsi les suicides et les transgressions sont la cause de mortalité la plus élevée : 20% chez les filles, et 9% chez les garçons.
4 Ingrédients typiques de cette période font le lit des attitudes dangereuses (sport extrême, conduire en état d’ébriété…).
– un sentiment d’invulnérabilité
– l’effet du groupe
– la transgression (L’adolescent ne peut pas résister à la transgression et aux interdits)
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- Le plaisir immédiat (dû à la sécrétion de dopamine)
Ces ingrédients s’expliquent par les différentes transformation vues précédemment.
3-Accompagner les adolescents et la famille
Accompagner la famille, les éducateurs…
2 choses primordiales à apporter aux adolescents
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des racines = ATTACHEMENT |
des ailes = POUVOIR PERSONNEL |
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L’attachement consiste à jouer avec lui, à s’intéresser à ce qu’il fait (ses passions…), à l’écouter de manière empathique sans conseils, à reconnaître ses émotions… |
Le pouvoir personnel consiste à l’impliquer dans les décisions, le laisser réfléchir par lui-même, lui donner des choix, le responsabiliser, développer son esprit critique… |
Interdire , punir, ordonner est dangereux car cela mobilise le désir de rébellion, de transgression…coupe la communication et la relation…et favorise le comportement inverse de celui souhaité.
Accompagner les adolescents
– Méditation , pleine conscience…
Tous ces changements physiologiques, psychologiques et sociaux leur demandent un repos nécessaire, de la détente.
– Ateliers d’adolescents
Ceci aide les adolescents à développer leur capacité d’anticipation, leur capacité à gérer des situations problématiques, des situations de danger, dans différents scénarios de leur vie quotidienne (alcool…)
– Le journal créatif
– Médiation de conflits entre pairs, ou en groupe
– Les cercles de paroles
…
Conclusion
Période charnière difficile mais aussi permettant de réinitier une nouvelle relation avec son enfant, plus nourrie, plus forte s’il y a eu des difficultés avant … Le cerveau est en reconstruction … Profitons en pour développer une relation harmonieuse avec notre adolescent.

Il a tout d’abord fait un cp dans une école traditionnelle, puis dans une école Steiner, dans quelques classes colorées, ils étaient accueillis par les professeurs. L’impression d’être perçus en tant qu’individu. Il a l’impression de passer d’un film en noir et blanc à un film en couleur. C’est pour lui, une école en tant que lieu de découverte et lieu d’expérimentation. Il se ressent en tant qu’être considéré, unique, un sujet original. Vers 26 ans, il se réengage dans l’éducation.
Au préalable, au temps des Egyptiens, le cerveau n’était pas très considéré, le cœur était vraiment sacré, et était très respectable. Ils restaient dans la pensée du cœur.
ex. un danseur américain a un AVC. Le diagnostique fait qu’il est condamné. Son fils lui réapprend tous les gestes depuis l’enfance, il se remettra à danser, et il mourra quelques temps plus tard. Les scientifiques étudièrent alors son cerveau et diagnostiquèrent que 97% de celui-ci était mort, et seul 3% fonctionnait. C’est la plasticité du cerveau.
L’embryon a une force qui anime tout son corps, et aussi, il est relié « j’appartiens à quelqu’un, j’ai une force de grandir ». Un enfant, c’est un placard avec des milliards de boites, et quelques feuillets d’explication. Pour apprendre, il a besoin d’un modèle. La mère, le père, les éducs … Si un enfant perd l’identité du lien alors, les enfants sont perdus. Ex de l’expérience de la langue d’Adam, en Italie. Des enfants sont isolés afin de voir quel sera leur développement linguistique. Ils sont juste nourris et laissés à eux-mêmes en dehors des soins basiques. Personne ne leur parle. 5 enfants en sont morts. Le lien d’amour, le lien social est nécessaire pour que l’homme se développe. L’Homme est un être profondément social.
Il s’agit de ne pas voir l’enfant comme une chose. Nous les chosifions en permanence en leur donnant des préjugés, en jugeant, car on se chosifie soi-même. (pensez à cette petite voix que vous avez dans votre tête, et qui vous juge en permanence, cette voix est celle que vous avez entendue de vos parents, de vos éducateurs etc) Dire « tu es bête » ou « tu en comprends pas, tu ne comprends rien » ou « tu es méchant », sont des jugements, ce qui est différent de « je vais t’expliquer autrement ». C’est le chosifier. Dans le monde de l’enseignement, il y a souvent un jugement, on juge les devoirs, on juge les comportements. Ce qui est différent d’une éducation bienveillante. Il s’agit pour nous alors de transformer les croyances admises.
A l’école Steiner, la lecture est vue plus tard car jusque 7 ans, l’enfant construit son corps. Il trouve aussi son identité dans ses dents. (développement pas noté)
La métaphore de l’éducation : le potier et le jardinier. Le potier forme un vase moulé alors que le jardinier plante des graines dans la terre. Un potier forme un vase issu de la terre, il le forme et le moule, alors qu’un jardinier prépare le terreau, la terre, il cultive, il arrose les graines qu’il a consciencieusement plantées. Il y a la pédagogie de l’accompagnement et la pédagogie du gavage. Cf Idriss Aberkanne. Isabelle Fioliozat : ouvrages sur le cerveau de l’enfant et de l’adulte.